Après des années de randonnées, de bâtons mâchouillés, de courses effrénées, de siestes improvisées, de contemplations partagées, à la fin de ses 14 ans de vie, Loutre faisait de la démence profonde. Elle était aussi atteinte de myélopathie dégénérative et son ouïe était déficiente. Elle dormait pratiquement toute la journée, bien qu’elle était toujours TRÈS enthousiaste devant de la nourriture et démontrait un grand intérêt à aller se balader… sans toutefois pouvoir suivre.
Le lien, le bond en anglais, ben il n’était plus vraiment là. Loutre n’était plus vraiment là.
Elle nous a quitté samedi le 7 mai 2022 au matin. Je la tenais dans mes bras.
Et depuis, j’ai mal au coeur, bien qu’il soit en miettes.
J’ai commencé à écrire ce texte quelques jours après la mort de Loutre trois semaines plus tard, j’ai encore mal au coeur…
Du courage, un ami me disait. Il faut du courage pour prendre la décision. Décider de retirer la vie à sa meilleure amie depuis 14 ans. On ne pense pas qu’on pourra. Et puis vient le moment où tout est évident et que la souffrance et l’inconfort de notre meilleure amie deviennent trop lourds et tout devient évident.
Pour celles et ceux qui en doutent, vous pouvez me croire : j’en doutais aussi, mais tout devient facile et un jour, vous saurez que c’est le bon moment. Ça devient même subitement urgent. Mais ça prend quand même du courage…
Loutre donnait un sens à ma vie et j’ai bâti notre vie autour de la sienne, depuis 14 ans. C’était un choix de vie. Je le savais bien qu’elle partirait un jour… Son départ est quand même douloureux.
Biographie de Loutre
Loutre et moi, on s’est choisies.

Le 30 juillet 2008, un après-midi à Sainte-Émélie-de-L’Énergie.
Qu’est-ce que ça signifie qu’on se soit choisi ? En fait, c’est tout simple. J’ai vu une photo de Loutre (ou une de ses deux soeurs) sur le site Web du refuge où elle était. Des bébés de 11 semaines à peine seuvrés de leur mère. Des bergers croisés. Elle m’a fait craquer.
Je ne cherchais pas de berger (allemand) car ils provoquent un peu d’allergie cutanée chez moi. Non. Mais j’ai craqué.
Avec mon copain de l’époque, on est allé la rencontrer. Enjouée, un peu à part de ses deux soeurs dans les hautes herbes de la fin juillet, évidemment, elle m’a conquise. Bibi Loutre est venue vers moi qui étais accroupie, comme si elle comprenait ce qui se passait, alors que ses deux soeurs n’avaient rien remarqué, Loutre m’a fait sa marque de commerce : elle m’a donné la patte — Elle donnait toujours la patte, c’était un geste qui la caractérisait; parfois, on ne savait même pas pourquoi. C’était un manière d’entrer en contact, à mon avis. Loutre à 11 semaines à peine savait déjà comment demander les choses — Et puis après m’avoir donné la patte, Loutre est repartie gambader dans les hautes herbes et tout d’un coup, comme si elle avait compris que je n’étais pas seule, elle est allée voir mon copain et elle lui a aussi donné la patte pour ensuite repartir batifoler.
Mon copain et moi, on s’est regardé. Entièrement conquis, on est reparti avec Loutre.
Je ne savais pas à quel point ma vie allait changer, avec Loutre comme compagne.
Les premières années (2008-2012)
Joliette
Quand notre vie ensemble a débutée, Loutre et moi, on habitait à Joliette et je retournais aux études à temps plein pour faire mon baccalauréat en histoire à l’UQÀM. Rapidement, j’ai organisé mon horaire en fonction de Loutre et je tentais d’être à la maison le plus souvent possible en regroupant mes cours sur deux jours uniquement.

Les premiers jours, pour qu’elle apprenne à être propre: ça a pris 3 ou 4 jours. Quelle chienne formidable ! Même si elle avait toutes les maladies de chiots possibles (vers, vaginite, otite, et j’en passe), elle voulait être propre et voulait plaire. Elle voulait faire les choses « comme il faut ».
Et puisqu’elle avait des vers — donc la diarrhée durant les premiers jours, je me levais aux deux heures la nuit pour qu’elle puisse faire caca dehors et qu’elle ne se sente pas mal de salir la maison.
Je dois avouer qu’au départ, j’ai eu peur de l’aimer. Plus tôt dans ma vie, j’avais eu un chien pendant un an, Zuggy, et je n’avais pas été assez responsable pour le garder. Je l’ai regretté pendant dix ans. Mon amour pour Zuggy avait été tellement fort que je ne pensais pas pouvoir me laisser aller à nouveau. Ça faisait encore mal, 10 ans plus tard. Aussi, je ne pouvais pas revivre cette trahison que je ressens encore aujourd’hui, 25 ans plus tard, et ne pas rester avec Loutre jusqu’à « la fin ».
Et puis, un soir, alors que Loutre était couchée au pied du divan où je dormais (pour sortir dehors aux deux heures sans réveiller mon copain de l’époque), j’ai eu une pouffée de l’odeur de Loutre. Je ne sais pas comment décrire exactement ce que j’ai ressenti, mais son odeur m’est rentrée dans le ventre, dans les trippes. Ça m’a fait mal. Et j’ai su. J’ai su que c’était ça, l’amour. Que je ferais tout pour elle. Et je lui ai dit.
« Toi et moi, Loutre, c’est pour la vie. Je te le promets. »
Bon, les sanglots se mettent de la partie, encore. C’est sûr que c’est pas facile d’écrire à propos de la vie avec l’être vivant qui a partagé le plus longtemps ta vie, 24h/24h, 7 jours sur 7 pendant 14 ans.
Montréal
Puis, mon copain et moi, on s’est séparés.
Loutre et moi, on est parties vivre à Montréal. Notre bout de vie à Joliette aura été d’environ 6 mois, pour toutes les deux. On est des Montréalaises, Loutre et moi, cou’donc !
Et là, bien qu’on ait eu des moments joyeux, notre vie a été un véritable chaos. Pendant 3-4 ans.
J’ai personnellement vécu un moment vraiment désagréable : une laparoscopie à la suite d’un kyste à la trompe de Fallope. J’ai aussi appris que je faisais de l’endométriose. Et j’ai eu une dépression, probablement dûe aux hormones. Et j’ai fréquenté une couple de gros caves pas fins. Bref, ça allait pas ben, pendant une couple d’années. Et Loutre en a payé un peu le prix.

Avant la chirurgie, ça allait correct avec Loutre. J’étais la boss. Mais après, j’ai perdu beaucoup de confiance en moi et j’ai perdu le dessus. Loutre est devenue le chef de la meute. J’ai perdu le contrôle. Elle était la boss.
Je n’avais pas une bonne hygiène de vie : je me levais quand je me levais, je me couchais quand je me couchais, je mangeais quand je mangeais, je n’avais pas vraiment d’horaire. On ne s’en rend pas compte à quel point notre corps en prend un coup, mais c’était ça. Loutre s’adaptait quand même à moi, mais ne m’en occupais pas vraiment bien. Je m’excuse, ma belle Bibi. Je m’excuse tellement.
On a eu quand même de bons moments et je crois que tu te sentais en sécurité, Bibi Loutre.
C’est après une fréquentation pas vraiment importante, mais désolante, que j’ai décidé que je ne voulais plus de « losers » dans ma vie et que pour ce faire, ben je devais changer.
Je vous évite les détails, mais je fumais du pot à tous les jours. Alors, je suis allée au CLSC. J’ai appris que j’avais la douance. Et de l’hypothyroïdie. Et j’ai demandé de l’aide pour me reprendre en main.
Puis un ami de la famille quittait son appartement dans Centre-Sud et cherchait à le céder.
Un quartier que je n’avais jamais habité, une nouvelle vie, un renouveau. J’ai saisi l’opportunité et on est déménagé dans notre véritable chez-nous, Loutre et moi.
Les plus belles années (2012-2020)
Changer son hygiène de vie.
En plus de déménager, de bien m’installer, de quitter une ancienne vie pour une nouvelle, j’ai commencé à faire des thérapies de groupe. J’ai aussi recommencé à faire du vélo; mais pas de petites balades, là. Des randonnées de 80KM aux 3-4 jours.
J’ai aussi lu au sujet des chiens, et compris que comme pour les enfants, les chiens ont besoin de constance et de cohérence. D’une routine.
Alors j’ai commencé à me lever tôt le matin, vers 5h/5h30, pour sortir faire pipi Loutre. Après, je rentrais avec elle et je prenais une douche pis tout, et on repartait vers 6h15 vers le parc La Fontaine où Loutre aimait chiller un brin et regarder les chars passer sur Sherbrooke. Ensuite, on faisait un petit tour pour prendre Duluth jusqu’à la rue Laval et revenir par Cherrier en passant par le Carré Saint-Louis. Parfois, on bifurquait vers une autre rue ou souvent, des ruelles (surtout au printemps, quand les fleurs sortent des pommetiers et lilas).

Au printemps, on aimait aussi aller se balader devant l’ancienne tour de Radio-Canada, où on trouve des dizaines de pommetiers. On allait aussi au quartier chinois. Dans Hochelaga. On a marché jusqu’au parc Jarry aussi. Et sur le Plateau jusqu’à chez mon père au pied du Mont Royal.
Entre mars et novembre/décembre, Loutre et moi partions de chez nous, juste au Sud du Parc La Fontaine, pour monter le Mont Royal jusqu’au cimetière Notre-Dame-des-Neiges (chut, les chiens sont interdits), et on revenait. Peut-être 1 fois ou 2 par semaine.

Et l’été, on marchait parfois jusqu’au Vieux-Port. Ou on y allait parfois très tôt, la fin de semaine, en vélo avec le trailer à chien en arrière (elle détestait ce trailer) et, arrivées le long de la promenade dans le Vieux, Loutre courrait à côté de mon vélo de Berri à Pointe-à-Callières.
C’était une belle époque.
Loutre avait beaucoup d’énergie et avait besoin de la dépenser. Pour ma part, je travaillais de la maison et je pouvais me faire un horaire 3-4 jours par semaine. Ça nous permettait beaucoup de liberté, de temps ensemble et de siestes !

C’est aussi à cette époque, alors que Loutre avait environ 5 ou 6 que je me suis mise à me questionner sur sa santé. On était souvent au vétérinaire parce que depuis sa naissance, Loutre faisait des otites à tous les 2-3 mois. Elle avait constamment une oreille en protection: une oreille levée, l’autre fermée. Comme je m’intéresse personnellement à la médecine traditionnelle chinoise, j’ai décidé de mettre en pratique ce que je faisais pour moi et de faire des essais sur Loutre.
Je me suis donc mise à faire des lectures sur l’alimentation, les laisses de chiens, la gestion du stress etc. Avec toutes les lectures et des essais, j’ai réalisé que la nourriture que je donnais à Loutre depuis sa naissance — de la nourriture de vétérinaire, by the way — ben c’était de la marde. Pleine de farines de toute sorte et de choses indigestes en générale. Ha.
Et puis pouf, Loutre n’a presque plus jamais été malade, sauf lorsqu’elle mangeait quelque chose auquel elle était allergique. Fini les otites, ciao bye. Fini les antibiotiques 3-4-5-6- fois par année. La nourriture a changé la qualité de vie de Loutre.

Donc j’ai cessé les vaccins qui n’étaient pas utiles et préservé ceux qui l’étaient et pas à chaque année, j’ai trouvé de la nourriture à laquelle elle n’était pas allergique et cessé de lui donner de la nourriture de table, je lui ai retiré tout collier et lui ai mis uniquement un harnais, j’ai utilisé de la terre diatomée pour éloigner les insectes, bref, j’ai changé son hygiène de vie à elle aussi.
Et puis nos balades se sont faites de plus en plus intenses.
On s’est profondément liées
Ces longues balades nous ont soudées, Loutre et moi. C’est vraiment ça, qui lie un chien et son maître : marcher ensemble.
En 2014, j’ai commencé mes cours pour avoir un permis de conduire que j’ai obtenu en 2016. Et là, notre vie à Loutre et moi a changé. On est retourné faire des balades à Joliette, dans les Laurentides, sur la Rive-Sud. On n’a pas fait tant de randonnées que ça, mais celles qu’on a faites sont gravées dans mon coeur. Loutre et moi, on est plutôt urbaine. Les randonnées en campagne restent toutefois nos favorites.

En 2016, aussi, on a rencontré Jérôme, qui a été mon copain pendant 3 ans, et aussi le meilleur ami de Loutre. Et aujourd’hui, bien qu’on ne soit plus en couple, Jérôme reste la personne en qui j’ai le plus confiance. On en a fait, des choses, Loutre, Jérôme et moi ! On était véritablement une famille.
En 2019, on est allés dans le bas du fleuve pour des vacances, tous les trois. Des vacances inoubliables, pour tous les trois. Je le sais parce que ça paraissait que nous étions tous les trois heureux, à ce moment-là. On a visité tout plein d’endroits et fait quelques randonnées splendides. On a décroché et on a savouré chaque instant dans cette liberté de la fin mai, début juin, alors que la saison touristique n’était pas encore entamée.

Loutre aimait sortir de la ville. Elle adorait découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles odeurs, de nouveaux gens. Il suffisait de s’installer quelques jours au même endroit pour qu’elle ne fasse pas trop d’anxiété de séparation, puis elle se faisait un nouveau chez-elle.
Après les vacances et quelques mois à Montréal, à la fin de 2019, Jérôme et moi, on s’est séparé. Le couple Jérôme-Geneviève n’a pas suivi, mais la famille est restée unie jusqu’aux derniers jours.
Les dernières années (2020-2022)
Quelques semaines après notre séparation à Jérôme et moi, j’ai débuté une relation avec un psychopathe. Faut croire que je n’avais pas tout réglé, avec les thérapies des dernières années.
Enfin, dès le début de la pandémie, juste après ma fausse couche, soit en mai 2020, Loutre a commencé à montrer des signes de myélopathie dégénérative. Et une très grande anxiété.
À la fin de 2020, on avait quitté la maison des fous et on s’installait, Loutre et moi, à Verdun. Et là, on a eu du bon temps. Je suis vraiment heureuse d’avoir pu lui offrir un endroit sain pour ses derniers mois de vie. En janvier 2021, tout allait bien encore. Après des mois d’anxiété chez monsieur Psychopathe, Loutre et moi retrouvions notre bonheur. Loutre se laissait aller et démontrait beaucoup de joie. Et la myélopathie dégénérative prenait malheureusement aussi beaucoup plus de place, donnant naissance à un début d’incontinance anale et l’anxiété se transformant rapidement en démence. Mais ça s’est fait sur plusieurs mois. Plus d’un an, en fait. À l’été 2021, tout allait encore formidablement bien.

Puis en novembre, Loutre a choppé un virus et a été hyper malade. Vous vous rappelez, plus haut, je parlais de ces premiers jours chez nous, à Joliette, alors qu’elle avait des vers et la diarrhée, et que je devais sortir tous les deux heures avec elle pour qu’elle puisse faire ses besoins dehors ? En novembre 2021, c’est encore arrivé. Une visite chez le vétérinaire, des antibiotiques et tout est revenu à la normale.
Seulement, l’incontinence anale de Loutre s’est accentuée et a pris de plus en plus de place. Et aussi, même si la neige l’excitait toujours autant que lorsqu’elle était plus jeune, Loutre perdait chaque jour de plus en plus l’énergie pour aller se balader. Mais pour manger, alors là, Loutre était toujours pleine d’énergie et ce, jusqu’à la journée de sa mort ! Sacrée Loutre <3
On a continué à faire des balades de temps en temps, mais elles s’écourtaient. Par exemple, en mai 2021, on pouvait marcher 3KM environ et en janvier 2022 on faisait plutôt des tours de blocs. Je me souviens de la dernière tempête, la dernière fois où Loutre a eu du plaisir dans la neige. Ou encore, d’une dernière « longue » balade avec Jérôme au parc Angrignon au mois de mars. Son dernier anniversaire en mai 2021 alors que je lui avais cuisiné du boeuf. Ou encore la dernière fois qu’elle est montée dans mon lit. Enfin, il y a tant de souvenir…

Puis rapidement, trop rapidement, Loutre a commencé à être complètement handicapée et ne plus pouvoir tenir sur ses pattes arrière (myélopathie dégénérative). Aussi, elle chignait pas mal tout le temps, excepté lorsqu’elle dormait (anxiété liée à la démence). Le soir, elle pouvait passer 2 ou 3 heures à tourner en rond sans cesse passant du divan, à son lit, au balcon, à son autre lit, au divant, à son lit, au balcon… Sans compter que Loutre était à présent incapable de monter ou descendre les escaliers toute seule.
Puis un mercredi de mai, le 4 mai pour être précise, Loutre et moi sommes descendus dehors pour aller faire pipi et c’était fini. Loutre n’arrivait plus à se tenir debout du tout et était trempée dans son pipi. Et depuis une dizaine de jours, elle ne tenait plus du tout sur ses deux pattes arrière. J’ai eu un coup de poing dans la poitrine et j’ai dû voir l’évidence. C’était fini pour Loutre.
Le soir, je parlais avec une vétérinaire. Le lendemain, le jeudi, je prenais rendez-vous pour une euthanasie le samedi 7 mai à 10h.
Il faut du courage pour décider à quel moment ta meilleure amie de tous les temps doit mourir parce qu’elle souffre trop. Après 6 mois de proche aidance, je me trouvais face à une évidence et je vous le dis, on n’a plus de doute quand vient le moment de dire adieu à sa meilleure amie : on le sait, c’est tout. Mais ça prend du courage.
Samedi le 7 mai 2022, 9h30, au parc La Fontaine, Loutre est accompagnée de son meilleur ami Jérôme et de sa maman. Loutre nous a quitté vers environ 10h15-10h30 le 7 mai 2022, entourée de ses proches.

L’après
Loutre fait partie de moi
Je n’ai pas aimé la fin. Les derniers moments. Quand elle a paniqué avant de se calmer. Et elle a laissé son dernier souffle alors que je la tenais dans mes bras. Je l’aime tellement. On est resté là une demi-heure ? Je ne sais plus. Mais elle se refroidissait rapidement avec sa petite langue sur le côté et le yeux grands ouverts.
On est parti vers 11h15 je crois.
Et depuis, ma vie est vide de sens. Loutre était en moi, faisait partie de moi, organiquement parlant. Elle était moi. J’étais elle. On était un tout.
Le 7 mai 2022, j’ai perdu une partie de moi.
Les jours qui ont suivi ont été des jours de zombie. Une chance que j’avais une semaine de congé.
Les photos et les vidéos ont été, et sont toujours aujourd’hui, le 29 mai 2022, des pansements contre la douleur. Plus particulièrement les vidéos.
Pendant la semaine de congé que j’ai eue, mon corps était en douleur, complètement bloqué et presque incapable de fonctionner. Et la fatigue m’a envahie. 6 mois de proche aidance, je vous jure que ça rentre dedans. Des nuits à se réveiller tout le temps pour ramasser du caca, ou calmer Loutre de son anxiété, avoir constamment des chignements qu’on en vient à les ignorer, aider Loutre à monter et descendre les marche, à marcher tout simplement, bref, plein de petits trucs du quotidien qui envahissent doucement ta vie et te fatiguent sans que tu t’en rendes compte.
La culpabilité d’euthanisier. Ouf. Ça, ça a pris un gros morceau des jours qui ont suivi. C’est important de le souligner, parce que lorsqu’on vit cette culpabilité, c’est immense. Mais je vous le dis, ça passe rapidement. Parce qu’au fond de toi, tu sais que c’était la bonne chose à faire.
Démence. Myélopathie dégénérative. C’est quelque chose.
Durant les 6 derniers mois de vie de Loutre, notre lien disparaissait, Loutre disparaissait.
Et puis aujourd’hui, il manque un sens à ma vie. Il me reste de beaux souvenir, un grand vide et un chagrin qui ne cesse de grandir chaque jour qui s’éloigne du 7 mai 2022.

Loutre. Je n’ai plus plus à surveiller mon assiette sur la table de salon. Les poils que je ramasse par terre sont les derniers que je verrai de ma vie. Ne plus avoir peur que tu avales du poulet, ou du maïs ou autre poison pour toi. Ne plus descendre les escaliers pour faire pipi/caca (un incroyable vide, ça). Ne plus être stressée pour entrer à la maison. Ne plus avoir peur qu’il arrive quelque chose à Loutre. Ne plus entendre les pas de chien perdu qui tourne en rond. Ne plus voir ses yeux pétillants et son enthousiasme. Ne plus avoir sa joie de me voir quand j’arrive à la maison. Tranquillement, elle ne montait plus dans le lit. Ne plus entendre son chant qu’elle avait pour chacun de ses amis humains. Son corps poilu que je collais parfois en cuillère me manque tant. Sa patte qu’elle ne cessait de donner même avant qu’on lui apprenne. Son désir de bien faire les choses et de faire plaisir. Sa joie devant du melon, des haricots verts, du brocoli et du poisson. Sa joie retrouvée à Saint Jean Port Joli. Sa paresse d’aller faire pipi même quand on habitait ras le trottoir. Les marches à la montagne ou Vieux Montréal. Les éternelles maladies que j’ai guérie grâce à la médicine traditionnelle chinoise. Qui va lécher mes pots de beurre d’amandes, manger mes bouts de melon d’eau, avec qui partagerais-je mes haricots ?

En regardant les différentes vidéos de Loutre, j’ai l’impression que j’ai oublié plein de trucs de notre vie. Ce qui nous a uni, les émotions, comme si ça s’effritait… La siffler pour qu’elle s’approche… J’avais complètement oublié. Les derniers mois m’ont fait oublier des tas de trucs.
On dirait que la vie perd un peu son sens. J’ai l’impression que j’ai encore pris un être vivant pour acquis.
Parfois, j’ai l’impression de sentir ton haleine, Loutre. Tes pas tout croches de la myélopathie dégénérative. Tes petits et grands chignements. Ta dernière panique. Je t’aime.
Tu dois être contente que je ne puisse plus t’éplucher 😉
Toutes les petites choses de la vie quotidienne qui se présentent, dont tu faisais partie… les achats, les habitudes, et puis, pouf, plus rien. Tu es juste plus là. Ça me rend tellement triste.
Les balades du matin sans Loutre, c’est vide. Ma vie à la maison est vide. Quand je sors et je fais des activités ou je vois des gens, ça va. Mais quand je retourne à la maison, il me semble que la vie est vide sans Loutre. Pas sans un chien, sans Loutre. Loutre, tu es ma meilleure amie.

Les pots de beurre de noix sont bien seuls quand je les termine et que y’a pas Loutre pour les lècher…
Je m’ennuie de tes ronflements. De tes chignements. Je m’ennuie de ta fourrure. De tes yeux plein de vie jusqu’à la toute fin, même morte. Je t’aime tant ma belle Bibi Loutre. Je t’aime tant.
Revoir les vidéos et les photos de Loutre, plus jeune, c’est un choc. J’avais oublié comme elle aimait jouer. C’est très touchant de la voir avec Poulet faire couicouic, avec son bâton et sauter partout en secouant sa tête. Son entrain à Kamouraska, sur le bord du fleuve. Ça fait fu bien et ça fait mal. Elle me manque.

Maintenant, je sais ce que c’est que de perdre quelqu’un qui fait partie de notre quotidien, qu’on aime, et se rendre compte que cet être vivant ne reviendra plus jamais. Plus le temps avance, plus ça fait mal. Plus le vide se creuse. Et plus le souvenir de la texture de Loutre, son odeur, son jappement, ses chignements, nos échanges sonores quand elle entendait encore, bref, plus le temps avance et plus ses souvenirs deviennent flous, s’éloignent et ça, ça fait mal.
Loutre…
3 semaines après la mort de Loutre, je me rends compte de tout ce qu’on a vécu ensemble. En 2008, je retournais aux études, en 2009 j’arrêtais la clope, en 2011 le pot et l’alcool, en 2012 je faisais une thérapie, en 2014 je changeais mon alimentation et celle de Loutre, en 2016 j’avais un permis de conduire (enfin), en 2020 on retrouvait notre vie en duo.
Je dois avouer que bien qu’elle me manque énormément, je me sens aussi libérée. Des mois de maladie, ça pèse et on s’en rend pas compte. Aujourd’hui, je dors mieux, je suis beaucoup moins fatiguée en fin de journée aussi. Bon, comme d’habitude quand je vis de grandes émotions, je mange trop. Mais je continue de me lever à 5h/5h30 tous les matins. Loutre a changé ma vie…
