Ce texte illustre uniquement une expérience et en aucun cas ne dicte les choses à faire ou ne pas faire en cas de fausse couche. SVP, contactez des professionnel.le.s de la santé.

J’ai fait une fausse couche en pleine pandémie, en mai 2020.
C’était ma première expérience d’une vie dans mon bedon.
Enfin, c’est jamais le fun pour personne, une fausse couche ou toute complication durant la grossesse.
Mais ce qui m’a le plus choquée durant les deux ou trois semaines qu’a duré la fausse couche, presque trois semaines de douleurs, de cris, de pleurs, de torticolis aussi, c’est le manque d’informations et de littérature au sujet de la perte d’un embryon ou d’un fœtus.
Pour ma part, j’ai trouvé en masse d’information sur les avortements et sur les accouchements (bien sûr), mais sur les fausses couches… Nada. Ou presque.
Il y a tellement de femmes qui vivent des fausses couches, je ne comprends pas pourquoi on n’en parle pas plus. C’est tellement traumatisant.
J’aurais donc peut-être dû écrire ça avant, j’imagine.
Mais la vie, vous le savez, nous entraîne souvent dans un brouhaha.
Je prends aujourd’hui le temps d’écrire mon expérience en espérant qu’un jour, peut-être, une femme ou encore son compagnon, sa compagne ou un proche trouve un témoignage supplémentaire sur cette expérience quand même assez traumatisante.
Mise en contexte (rapide)
J’ai emménagé chez mon chum le 13 mars 2020. Oui, en plein le premier jour du confinement.
Ça ne faisait que quelques semaines qu’on se fréquentait, mais la situation de pandémie a fait accélérer les choses. Je ne connaissais même pas ses enfants, encore! En fait, je n’étais pas bien à l’endroit où je vivais et on avait décidé, mon chum et moi, qu’on essaierait de vivre ensemble.
Évidemment, comme chacun d’entre nous, on n’avait jamais pensé que ça durerait aussi longtemps, cette pandémie!
Enfin, on faisait « attention », quand on faisait l’amour, mais visiblement pas assez, hein?
Moi : J’ai passé la quarantaine depuis quelques années, je fais de l’endométriose, de l’hypothyroïdie, j’ai des fibromes utérins et il me manque une trompe de Fallope et un ovaire.
Vous comprenez que mes chances de tomber enceinte sont quasi-nulles.
Quelle a donc été notre grande surprise, à mon amoureux et moi, d’apprendre que j’étais enceinte, au tout début du mois d’avril dernier! (Et aussi, quelle surprise pour mes parents et proches).
Un « miracle », oui.

Enceinte
Mon amoureux a tellement été un bon partenaire : il a déjà deux beaux enfants et il m’a dit qu’il était avec moi peu importe ma décision. Aucune pression, mais un soutien assuré. Wow.
Enfin, je vous épargne la partie que je n’ai jamais vraiment souhaité d’enfant, mais une fois enceinte, je n’ai pas hésité une seconde à garder cette petite vie en moi! Je me suis dit que je ferais confiance aux spécialistes avec qui je choisirai d’avancer.
N’empêche que j’ai toujours conservé une certaine hésitation pour garder ce qui deviendrait un jour un bébé. Pour plusieurs raisons. La première, c’est ma santé et mon âge. Ensuite, c’est que mon chum et moi, on ne se connaissait pas beaucoup en tant que couple. Puis il y avait d’autres raisons comme les différences de culture, les valeurs, puis aussi je voyais mon chum éduquer ses enfants et j’étais tellement en désaccord avec certains aspects. Et puis je me sentais seule, loin de mes proches en pleine pandémie. Personne que je connaissais depuis longtemps qui pouvait me prendre dans ses bras. Je me sentais étrangère dans un clan familial qui n’était pas le mien.
Enfin, j’hésitais à conserver cette vie en moi, mais ça ne m’a pas empêché d’espérer le meilleur!
Les plans
Hey, on en entend des trucs à propos des listes d’attente pour les garderies et les CPE etc., hein?
Pour ma part, je suis allée dans une super garderie (aujourd’hui CPE) et ma mère et ses amies — insatisfaites du système d’éducation — ont ouvert une école alternative, quand j’étais enfant. Disons que je suis pas mal sélective, côté éducation.
Sur la Rive-Sud, on s’entend qu’il y a beaucoup moins de choix de CPE et d’écoles intéressants qu’à Montréal. En tout cas, dans le coin où on est.
Donc, dès le lendemain où on a appris que j’étais enceinte, j’inscrivais l’embryon à tous les CPE pas trop pires autour de la maison. Et puis…c’est difficile de ne pas se créer une liste de prénoms! Pour ma part, c’était pas mal Mathilde et Baptiste qui menaient le bal.
Vous savez, juste écrire ces mots, ça me ramène au plaisir de ressentir cette vie à l’intérieur de la bedaine. Oh, je ne l’ai pas ressentie tout de suite. J’avais les seins sensibles, j’avais toujours un peu faim et j’avais des cravings et des dégoûts d’odeur dès les premiers jours de grossesse, mais je faisais visiblement du déni.
J’ai aussi eu des humeurs de marde, pauvre chum. Mais vraiment de marde.
Pis j’étais dans l’incapacité de faire des journées entières de travail. Je me levais comme d’habitude vers 5-6 heures, mais à 10-11 heures, je voulais dormir ma vie.
Potin : je trippais ben raide sur les oranges et les ananas, je pouvais en manger tout le temps. Je voulais aussi manger des pâtes au poulet à la crème et échalotes à tous les jours, de la crème glacée aussi. Et oui, les fameux cornichons! Mais je ne supportais ni l’odeur de parfum artificiel ni l’odeur des saucisses et du chou de Bruxelles. Hon.
Et je ne me rappelle plus quand, mais je me souviens du « lien » que j’avais avec l’embryon. C’est fou ce que ça peut faire. Mon instinct, personnellement, c’était de protéger mon ventre. Est-ce que je peux dire ça comme ça? J’avais l’impression que je devais protéger mon ventre et que l’univers s’y retrouvait. C’est tellement difficile à décrire. C’était très primaire comme instinct, en tout cas. Je me sentais comme une lionne qui protégeait son enfant contre tout.
Mais aussi, je me sentais belle, puissante, femme et surtout, quelque chose que je n’avais jamais espéré de ma vie: je me sentais fertile.
J’étais heureuse, quand même.
J’hésitais toujours à garder la vie en moi, je mentirais si je disais que je n’ai pas pensé à l’avortement. Puis j’étais si fatiguée, tout le temps.
Seule
Et je me sentais tellement seule. Ah, foutues hormones.
Je ne sais pas si c’était uniquement la pandémie, mais je n’avais accès à aucun service avant ma 10e semaine de grossesse, malgré toutes les conditions que j’ai déjà mentionnées.
J’ai d’abord fait ce que la plupart d’entre nous feraient: j’ai appelé mon médecin de famille.
Non. On ne passe pas!
La secrétaire de mon médecin de famille m’a dit qu’il ne faisait pas de suivi de grossesse.
(J’ai finalement parlé à mon médecin il y a quelques jours et il m’a dit que la prochaine fois — prochaine fois? — je devais juste demander un rendez-vous « normal » à la secrétaire. Aussi, les femmes qui font de l’hypothyroïdie doivent quand même être traitées différemment qu’en temps normal, selon ses dires)
Paniquée, j’ai ensuite contacté les gynécologues qui m’avaient retiré (adroitement) une trompe de Fallope il y a plusieurs années et ils m’ont prise sans hésiter. Mais pas de rendez-vous avant la 10e semaine de grossesse.
(Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus d’informations et je n’hésiterais plus à aller voir une sage-femme. Mais il y a six mois, j’étais en panique et je croyais n’importe quelle information que je lisais ou entendais).
N’empêche que je ne suis mise à lire tout plein de trucs et je me suis confiée à quelques femmes de mon entourage qui avaient eu différents types de grossesse.
Mais j’ai continué à me sentir seule.
Et je continuais encore et toujours à hésiter à garder cette vie en moi.
J’étais souvent tellement fâchée pour n’importe quoi, et j’ai commencé à moins m’aimer.
Faut dire que je n’arrivais jamais à vraiment me reposer: je dormais mal la nuit et le jour, quand je voulais faire des siestes, les enfants de mon chum faisaient plein de bruit (ils font l’école à la maison depuis mars 2020) ou alors la porte de garage s’ouvrait en faisant vibrer la maison ou il y avait du va-et-vient quelconque. Enfin, je me souviens que le repos était impossible à atteindre.
Le début de la fin
Avec un recul, je sais que ma fausse couche a débuté le 25 avril.
J’avais des pincements dans le bas-ventre.
Mais je ne savais pas que c’était ça, je trouvais juste des petites choses à lire à gauche et à droite, mais personne avec qui en discuter.
Je lisais qu’une fausse couche, c’était comme des contractions d’accouchement. On s’entend que lorsqu’on est enceinte de quelques semaines seulement, on a pas l’idée de se comparer à une femme qui accouche et qui a des contractions.
Fait que, les petits pincements dans le bas du ventre, ben j’en ai fait du déni. Mais la question me hantait continuellement…
EST-CE QUE JE FAIS UNE FAUSSE COUCHE?
Puis environ une semaine après le début des pincements, j’ai commencé à avoir super mal dans le bas du dos en revenant d’une marche de deux heures, un samedi soir.
Le lendemain, et là c’est vraiment triste, j’étais assise à l’orée de la forêt, seule, et je regardais les arbres sur lesquels commençaient à naître les petites feuilles de mai.
Et puis j’ai parlé à « mon ventre » et j’ai fait la paix. J’ai fait la paix. J’ai dit, enwèye donc!, on le fait, on le garde! On fonce! On fait un bébé.
Et puis j’ai eu envie de pipi.
Je suis allée aux toilettes.
En m’essuyant, j’ai trouvé des taches brunes.
Les enfants de mon chum étaient à la maison, mais je suis allée avertir mon amoureux.
On a lu sur les fausses couches.
C’était de la théorie.
Le lendemain matin, on était aux urgences.
Mais je savais.
Je savais parce que je n’avais plus mal aux seins, je savais parce que je n’avais plus de cravings et surtout, je savais parce que je ne ressentais plus ce lien magique qui nous unissait, cette vie dans mon ventre et moi.
Le vide.
Les derniers moments
Mes proches connaissent toute l’histoire et si un jour on prend un verre ou un café ensemble, je vous raconterai les péripéties aux urgences du CHUM en pleine pandémie.
Deux mots: p’us jamais.
Un autre mot: dégueulasse.
Cinq derniers mots: système de santé de marde.
Mais j’ai eu une échographie.
Une échographie d’un embryon de 5-6 semaines, ça a l’air de ça:



Je dois avouer quelque chose. C’est que les pertes brunes de la veille ne se sont pas poursuivies aux urgences. Merci, ouf.
Le lendemain matin, à la maison, j’ai eu l’infirmière des gynécologues qui m’avaient prise en charge au téléphone. Elle m’a un peu rassurée et m’a dit que tout serait normal as long as que je ne remplissais pas de sang plus d’une serviette sanitaire par heure. Je lui répondu, « mais non, j’ai juste des pertes brunes ».
Juste des pertes brunes.
L’enfer a débuté le lendemain soir. L’ironie? Le gros de la fausse couche a débuté pendant que je riais aux éclats!
La sensation? C’est un peu comme quand on est menstruée (rappelez-vous, je fais de l’endométriose, je suis donc menstruée en titi): c’est comme lorsqu’on sent le sang se détacher des parois quand arrivent les menstruations, mais c’est davantage ressenti et surtout, plus lourd.
En arrivant aux toilettes, ce sont trois grosses balles de golf qui sont tombées.
D’un coup, l’une après l’autre.
Ploup. Ploup. Ploup.
Et ça, c’est le souvenir le plus important de la fausse couche. Ces trois balles de golf. Un traumatisme.
Je n’ai pas osé regarder.
J’ai capoté et pas dans le bon sens.
J’ai paniqué.
Et ça, ce n’était que le début.
Ça a duré encore quelques jours. Pas de balles de golf aussi grosses, mais des petites balles de ping pong par-ci, par-là. Et les douleurs étaient atroces. Des jours durant.
Des serviettes sanitaires, j’en ai rempli aux heures. Mais rien pour aller aux urgences à nouveau.
Oh, j’y ai pensé.
J’ai pleuré.
Quel vide on ressent, après avoir senti cette vie en nous.
J’ai perdu le goût à la vie pendant longtemps. Je dirais plusieurs mois. Je pense que je suis encore triste et déréglée aujourd’hui.
Est-ce que c’est un post-partum? Je sais pas. Je n’oserais jamais me comparer à une femme qui a donné naissance. Mais j’ai perdu beaucoup de plaisir depuis le début mai. Je traîne une grande tristesse. J’ai souffert physiquement et mentalement, malgré le fait que je n’étais pas certaine de vouloir un enfant.
Quelques jours après, j’ai appris qu’une femme vraiment très chère à ma vie nous quitterait de manière fracassante. Ma deuxième mère, comme je la nommais affectueusement.
J’ai voulu tomber enceinte à nouveau.
J’ai commencé à me documenter et lire sur la grossesse, je voulais tellement donner la vie pendant que la vie se retirait d’une femme qui a su semer l’amour partout autour d’elle.
Cette envie de créer une vie a fini par passer.
J’ai trop souffert.
Puis les menstruations sont revenues. Maintenant, je les vois un peu comme de mini fausses couches mensuelles.
Ce dont je me rappelle surtout c’est à quel point je me suis sentie abandonnée pendant la fausse couche. À quel point je me sentais seule, malgré tous les gens autour de moi. Je me rappelle à quel point j’aurais voulu pouvoir parler à quelqu’un qui avait vécu une situation semblable.
Les hormones, le débalancement, la mort dans le ventre, la tristesse, les douleurs qui durent des jours, des semaines.
Je ne sais pas à quel moment je serai véritablement remise de toute cette expérience: encore aujourd’hui, des boutons d’acné post fausse couche parsèment mon cou, je pleure encore à rien, je mange trop (j’ai pris un bon 15-20 lbs si c’est pas plus). Et on est presque six mois après…
Mais si vous êtes en fausse couche, si vous connaissez une femme qui l’est, n’hésitez pas à partager ce billet ou encore, donnez-lui mes coordonnées: ça me fera plaisir de parler avec elle si elle en ressent le besoin. C’est le but de ce billet.
Merci
Dans tout ce processus, il y a des femmes et des hommes extraordinaires qui m’ont soutenue même à distance, dans les bons moments enceinte comme dans les moins bons après la fausse couche. Je tiens absolument à les remercier. Elles et ils vont se reconnaître.
Merci Cloé de toujours être là pour moi, peu importe la situation, sans exception, jamais.
Merci, Alexia pour ta présence et ta solidité. Et pour la découverte d’Une naissance heureuse. Un beau pansement post fausse couche pour découvrir la beauté d’être enceinte.
Merci, Perrine, pour m’avoir raconté tes expériences personnelles. Comme tu m’as réconfortée!
Merci Emilie pour m’avoir consacré de ton temps pour m’aider à clarifier mes pensées post fausse couche. J’aurais tant aimé que tu sois ma sage-femme!
Merci, Lou-Anne pour le mot que mon père m’a transféré pendant ma courte grossesse. Ton « Tu peux lui dire que c’est normal qu’elle se sente désorganisée et qu’elle perde la mémoire! » m’a fait tellement de bien. J’en pleure encore (mais je ris aussi en même temps, quand même!).
Merci à la mère des enfants de mon chum pour son soutien et sa disponibilité pour prendre les gars et pour le petit cadeau. Merci Véronique.
Merci aussi à mon éternel ami Michael pour les précieux échanges au sujet de la paternité.
Merci à mon ami Jérôme qui est là chaque jour pour m’écouter avec patience, toujours armé de conseils justes et bons.
Un beau souvenir d’une bedaine de 5-6 semaines:



Dernier mot
Pour découvrir d’autres témoignages, je vous recommande ce beau site Web touchant qui m’a donné l’envie d’écrire ce billet que vous lisez:
beaucoup de vide